Le bal de noël s’était terminé de façon plutôt brutale et surprenante. Je n’étais pas médicomage au service des urgences mais durant mes années d’études et de stage j’avais appris à réagir aux évènements qui se présentaient à moi et j’avouais apprécier agir sous le coup d’une montée d’adrénaline. La pratique et le fait que le patient soit mon cousin n’avait fait que renforcer ma rapidité d’exécution dans les gestes de premier secours, retrouver un pouls même instable avant de le déplacer à l’hôtel dieu, ce qui avait clos ma participation à ce bal. Ce tragique évènement m’avait empêché de profiter de quelques secondes pour m’amuser du gui qui avait poussé Camille à faire un baise main à Saint-Clair et je comptais bien me rattraper. J’avais un peu de temps devant moi et comme chaque jour je venais récupérer ma commande et boire mon café tranquillement installé à une table un peu à l’écart. Une table sur laquelle on aurait presque pu graver mon nom au vue de ma régularité en ces lieux. Ce matin lorsque je pénétrais dans la boutique du monde attendait déjà à être servi, d’un point de vue gustatif le bal avait été une franche réussite pour Camille, son travail avait été reconnu et  ses employés semblaient être sur le coup.  Après les avoir salués poliment je me dirigeais de moi-même vers cette fameuse table. Nulle besoin de prendre ma commande qui était toujours la même, un café sans sucre (sauf le jour suivant la pleine lune ou j’avais besoin d’une dose certaine pour me remettre) et un gâteau surprise à déguster sur place. Une fois par semaine j’ajoutais pourtant à cette commande de quoi faire plaisir à mon équipe, les infirmières, aides-soignants et médicomages de mon service.  J’attendis à peine quelques secondes que la voix de Camille s’approchait de moi. Je reconnaissais sa voix et son parfum entre mille, nulle besoin d’être lycan pour apprécier l’odeur sucré qui se dégageait du sorcier. Bonjour Monsieur Hermé. Je vous remercie. Nous usions de termes un peu pompeux pour deux amis mais le jeu restait toujours amusant. Il me respectait comme peu de sorcier le faisait à part sans doute à l’hôtel dieu ou mon travail parlait plus que mon sexe. Merci Marie. Dis-je en souriant à la jeune serveuse qui venait de déposer une tasse de café fumante devant moi. Je lançais un petit regard au sachez contenant sans doute ma pâtisserie du jour comprenant rapidement que mon ami allait me faire découvrir une nouveauté. Faites mon ami, prenez place. En plus d’être chez lui il était toujours agréable de passer un moment en sa compagnie pourtant je ne manquais pas de faire une petite moue boudeuse et d’ajouter mutine. Même si je suis légèrement surprise de ne pas avoir droit à un baise main moi aussi. Je n’allais tout de même pas manquer l’occasion de le taquiner de bon matin. Même si j’avais parfaitement conscience qu’il avait sa mine sérieuse. Celle-là même qui attendait plus de moi que de l’humour et je ne fus pas surprise de le voir déposer son assiette mystère devant moi. Je poussais du doigt ma tasse de café pour faire tourner l’assiette et ainsi la regarder sous tous les angles. Des doutes ? Tu as encore des doutes sur quoi ? Ton talent ? La finesse et la précision de tes créations ? Certains auraient pu dire qu’en tant qu’amie je n’étais pas objective mais les commentaires étaient tous sincère. Si avec Camille je m’évertuais à ouvrir la bouche ce n’était que pour dire la vérité. Sinon je ferai comme le reste du temps en sociétés, je sourirai poliment et jouerai mon rôle de sorcière de salon, futile, inutile, belle et silencieuse.  Je prenais l’assiette pour voir le glaçage sous toutes les coutures et humer le parfum de ce gâteau.  Le glaçage est parfait et il y a une délicate odeur de citron… des zest ? Et de l’orange… confite je pense. Demandez à un loup de renifler vos plats et vous ne serez jamais déçu.    Très hivernal et pourtant assez coloré pour réveiller cette saison. De toute façon l’association chocolat agrume était à mon sens une association qui fonctionnait parfaitement.  Très vendeur dans une vitrine. C’était tout de même important puisque le plaisir des yeux entrainait le plaisir des papilles. Je plongeais délicatement ma cuillère dans l’entremet, n’ayant aucun mal à le découper. L’insert était parfait et je n’avais qu’une envie plonger la cuillère dans ma bouche, pourtant je laissais planer le doute, le suspense. Parce que Camille était comme moi, exigeant avec lui-même, il aimait obtenir un résultat parfait, du moins s’en approchant au mieux. Je finissais par déguster le morceau sans toutefois rien laisser paraitre de mon ravissement. Joueuse ? Oui un peu.

C’est vrai, Camille n’est pas habitué aux mondanités comme j’ai pu l’être durant toute mon enfance. Traînée lors des soirées ou mon nom devait être présent. J’avais de nombreuses fois jouées le rôle de la plante verte au côté de mon père ou de ma mère. On ne nous demandait pas d’être mais de paraitre, il ne fallait pas discuter mais écouter. S’oublier soi-même était tout un art dans lequel j’excellais depuis de nombreuses années. Juste Chastel, juste loup-garou, juste femme. Bien entendu cela ne m’empêchait pas d’avoir des idées ou des opinions, mais l’époque m’empêchait simplement de les divulguer à haute voix. Alors forcément lorsque Camille avait dû prendre la main d’un Saint-Clair pour jouer le jeu du gui cela m’avait beaucoup amusé car sa réaction avait été à la fois parfaite et habile.   Vous vous en sortez bien mon ami, comme toujours.   Aujourd’hui et lors du bal mais aussi à bien d’autres occasions ou le pâtissier parvenait à jongler de façon magnifique.  Mais je conserverai cette image longtemps, elle me fera toujours sourire. Tant pour le fait qu’il s’agisse de mon ami que du regard surpris du prince ! Moi et la royauté… ce n’était pas vraiment une histoire d’amour. Il rougi et j’esquisse un sourire. Mes commentaires bien que très souvent laudatifs sont toujours sincères, Camille est un homme bien qui mérite d’être reconnu malgré son ascendance moldu. Je l’écoutais en hochant la tête, il avait raison, de sa réussite découlait le travail de tous ces employés. L’excellence se travaillait chaque jours et c’est aussi cela qui m’animait à être si rigoureuse dans mon propre travail. A l’hôtel dieu, j’avais une équipe sous ma responsabilité et mes échecs comme mes succès rejaillissaient sur eux. Je n’avais guère le droit à l’erreur dans ma branche, nulle problème de concurrence, les vies humaines étaient en jeu. C’était en tout cas mon point de vue, je feignais d’ignorer tous les commentaires désobligeants des collègues « jaloux » de voir une femme à mon poste et plus encore une Chastel. Si mon nom pouvait en faire trembler plus d’un c’est davantage le dégout qui se peignait sur les traits de ceux qui osait en parler non loin de moi. Néanmoins je comprenais l’angoisse de mon ami même si la louve se ferait  une « joie » de dévorer toute concurrence au profit de son talent et de son équipe plutôt sympathique. Ce genre de pensée me traversait souvent l’esprit, la louve se délectant sans cesse de la contradiction entre le serment que j’avais fait en choisissant une carrière médicomagique et l’impossibilité de pleinement me contrôler lors des nuits de pleine lune. Mais revenons à notre entremet. Je dévoilais alors un sourire lui laissant présager qu’il se trompait. Arrête Camille, c’est délicieux.   je reprenais une cuillère de la préparation pour profiter une seconde fois de chaque gout.  C’est doux et amer à la fois mais on ne reste pas sur une note trop amère en fin de dégustation. Tu as trouvé le bon équilibre. Et puis je ne préférais pas imaginer l’ajout d’un caramel beurre salé.   La seule chose qui manque, et c’est un point de vue tout à fait personnel, c’est quelque chose de croustillant. Peut-être une tuile en effet mais pas de caramel, c’est vraiment intéressant d’avoir cette amertume en bouche. Autre chose… Une troisième cuillère plus tard j’ajoutais avec un sourire.   Tu sais bien que j’aime avoir quelque chose qui croustille sous la dent. Rien de plus naturel pour un loup que d’aimer ce qui avait du « corps », ce qui craquait. La créature en moi ne réclamait pas que du sang et de la viande, non elle aimait aussi ce qui lui donnait du fil à retordre. Nous avions des dents parfaitement aiguisé pour pouvoir profiter de ce genre de petit plaisir.