La journée était celle du repos, il était rare qu'il parvienne à lâcher les rennes de son entreprise, de son bébé, de ses créations. Bien sûr, quand il n'était pas là, ces créations culinaires continuaient de vivre via des instructions précises, qu'il avait soigneusement rédigé tel le maniaque qu'il était. Il détestait lâcher prise, il détestait ne pas avoir de contrôle sur ce qui se passait dans sa vie. Il n'aimait pas ne pas être en contrôle; il n'avait pas réussi beaucoup de chose dans sa vie à part son travail, sa pâtisserie. Sa vie de famille était chaotique,  quasi inexistante depuis la mort de sa femme il y avait plus de dix ans de cela, et de leur enfant à naître. Il lui restait son cousin, sa cousine, et il s'était construit une obscure et secrète famille dans les rangs de Grindelwald. Mais s'il avait aussi perdu un ami qui lui était très chère il y a avait des années de cela, il avait gagné une filleule qui avait plus de prix que tout ce qu'il pouvait avoir dans sa vie. Il était le parrain bourreau de travail qui savait être une oreille attentive, bien que souvent maladroite. Elle pouvait venir le voir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, il serait là pour elle. S'il n'avait pu s'occuper d'elle à la mort de ses parents parce que sa sitution de l'époque ne lui permettait pas, mais les Duchannes avaient fait un très bon travail, cette jeune fille était bien sous tout rapport, quoi que puisse en dire les dernières nouvelles. Ca n'atteignait pas Camille, il la connaissait, elle n'était pas comme ces gens l'avaient décrite. Certainement pas.  

Il était peut être dix sept heure, Camille profitait des soirées un peu plus logues qu'offrait le mois d'Avril, ces soirées où le soleil tardait à se cacher. Un café entre ses mains, il prenait un bain de soleil couchant sur cette petite terrasse qui courrait le long de son appartement, bénéficiant d'une vue magnifique sur l'île Saint Louis.  Il était agréable de savoir prendre du temps pour soi. Le soucis de Camille était qu'en dehors de son travail, il n'avait pas réellement de but en dehors. Il n'avait ni femmes, ni enfants, ni passe-temps autre que sa sacro-sainte pâtisserie. Il sirote son café serré, quand soudainement, on tambourine à sa porte. Le pâtissier fronce un peu les sourcils. Il n'y avait pas grand monde qui connaissait son adresse, il se lève, dépose le café sur la petite table basse. Il traverse l'appartement, faisant craquer sous ses pieds nus le parquet haussmannien, jusqu'à son imposante porte d'entrée. Il déverrouille celle-ci d'un geste magique, la serrure magique façonnée par d'excellents Enchanteurs. Il ouvre pour y voir une Marianne parfaitement décomposée, en larmes, à bout de nerfs. 'Par Merlin, Marianne !' Camille ne jurerait jamais, ou presque. Il tend la main vers elle pour l'inviter à entrer, mais ne la brusque pas, lui laissant le soin de venir dans ses bras si elle le souhaitait. Il ne posait pas de questions, parce que si elle tenait à parler, elle le ferait d'elle même, il avait appris à ne brusquer personne.

Ella n'avait même pas pris la peine de vider son bureau comme Basile l'avait fait. Elle était juste... partie. Plus rien ne la reliait au Sénat et mis à part Faustine, elle n'y avait plus d'attache. Le penser était encore plus dur qu'elle ne l'avait imaginé. Sur son bureau ses affaires trônaient encore et Marianne ne viendrait pas les chercher : il n'y avait rien de valeur, rien qu'elle ne veuille garder en souvenir. Pourquoi faire après tout ? N'avait-elle pas suffisamment passé d'horribles moments ici ? Les larmes au bord des yeux et le coeur au bord des lèvres, Marianne était sortie du bureau de Casimir, avait attrapé d'un accio silencieux son manteau et son sac à main et était partie. Comme ça. Sans savoir où aller maintenant, parce qu'elle ne pouvait certainement pas courir chez elle d'où son oncle et sa tante l'avaient bannie, ni déranger Pimprenelle alors qu'elle était sans doute chez les Montrose. Elle ne voulait pas être seule cependant, pas s'exiler en Normandie : elle avait besoin de voir quelqu'un, besoin de se confier, de se sentir soutenue et par Merlin la liste des gens qualifiés dans son entourage s'était vidée depuis le scandale. On lui avait tourné le dos à de maintes reprises, ne restaient plus que ceux qui, visiblement, l'appréciaient véritablement. Parmi eux il y avait son parrain, Camille Hermé. Son pilier, sa valeur sûre, celui qui avait connu ses parents mieux que personne. Et vers chez qui elle marchait, chaque pas l'y menant voyait sa vue s'embrouiller de plus en plus si bien qu'une fois devant sa porte Marianne ne pouvait plus retenir ses sanglots. Elle essaya pourtant d'abord, avant de frapper, mais abandonne en martelant la porte de son parrain de son petit poing.  

Tout foutait le camp. Elle n'avait plus de contrôle sur rien. Sa vie était ruinée. Jamais encore elle ne s'était sentie si seule, si inutile et surtout si bas. Pour la première fois de sa vie Marianne était tout bonnement, et simplement, perdue. Ses repères lui avaient été enlevés un à un, et dans la tempête face à laquelle elle ployait l'échine Camille était à ce moment là son phare. Par Merlin, Marianne ! Elle n'a pas le courage de lui dire bonjour ou de s'expliquer. Elle ne le peut pas, sa gorge trop nouée, ses épaules trop traversées par des sursauts. À la place, elle vient naturellement le prendre dans ses bras et se blottir contre lui à la recherche de la tendresse qu'on lui refusait depuis que les photos faisaient la une des journaux à scandales. Elle reste un moment là avant de parvenir à dire quelques mots non sans que sa voix ne s'entrecoupe de sanglots. À bout de nerfs et au bout du rouleau. Il m'a virée. parvient-elle à dire sans contexte ni explication. Pourquoi est-ce que ça m'arrive à moi ? et à peine finit-elle sa phrase que sa voix se brise et que les sanglots reviennent, incapable de voir autre chose qu'une nouvelle perte. Marianne était spectatrice de sa propre chute sans pouvoir faire quoique ce soit à par en subir les conséquences sans l'aide des siens.

Marianne était l'un des êtres qui lui était le plus cher dans ce monde. Elle était la fille de l'un de ses plus proches amis, décédés de longues date, mais elle était comme de la famille, il avait toujours été ainsi.  Ça ne changerait jamais, elle n'était pas de son sang, mais ça n'avait jamais eut aucune espèce d'importance, il y avait des choses qui transcendaient le sang.  Quand il la voyait en larmes, il sentit impuissant, comme incapable de faire quoi que ce soit pour elle. Elle n'était plus une petite fille que l'on pouvait réconforter par un câlin, une embrassade, ou des chatouilles. Elle était une jeune femme, une belle jeune femme et Camille était désemparé à ce genre de situation. Plus encore quand elle se précipite dans ses bras, naturellement comme si elle en avait besoin. Il peut l'entendre, la sentir sangloter. Bon sang, qu'est ce qui pouvait bien la mettre dans cet état ? Camille la laisse prendre son temps, son souffle. Entre deux sanglots, il parvient à entendre, 'Il m'a virée.' Qui ça ? Ce Chastel Sénateur pour qui elle travaillait ? Pourquoi l'avait-il viré ? Pour ce scandale qui était apparue dans les journaux qui ne trouvaient aucune grâce à ses yeux. Camille n'en croyait pas un traître mot. 'Pourquoi est-ce que ça m'arrive à moi ?' Elle ne cesse de pleurer à chaudes larmes. Ce travail au sénat, ça avait toujours été important pour elle, toujours, Camille se souvenait encore de sa fierté à elle quand elle y avait décroché une place, lui même en avait été très fier. Mais pourquoi, c'était une question qu'on se posait souvent, mais le destin ne donnait jamais la réponse.

Il l'enlace tendrement, comme un père le ferait pour son enfant. Il vient la prendre dans ses bras, la laissant poser sa tête contre son torse, même si elle est secouée par des sanglots, il tente de la calmer en déposant un baiser rassurant dans sa brune chevelure. 'Allez viens par là.' dit-il doucement en l’entraînant avec lui à l'intérieur de l'appartement, refermant la porte derrière elle.  Il ne savait pas quoi faire. Il se sépare un peu d'elle, l'enlaçant par les épaules pour qu'elle le suive dans l'appartement parfaitement ordonné de Camille. Ils ne font que quelques pas jusqu'au salon, où l'invite à s'asseoir sur le canapé, s'installant à côté d'elle. 'Chastel t'a viré ?' dit-il, à voix haute comme pour s'assurer en lisant sur le visage de la jeune femme que c'était bien ce dont elle parlait, 'Quelle crevure...' Camille ne jurait jamais, enfin presque. Puis, voyant le déssaroi de sa protèger, il la prendre alors dans ses bras, lui laissant son épaule pour pleurer. Parfois, ce dont on a besoin c'est d'un grand moment de silence, et d'un bon câlin. 'Ca va aller, je te promets.' Murmure-t-elle en la serrant contre lui. Il n'avait aucune idée de comment procédé, il ne l'avait jamais vu dans cet état. Jamais.